Il existe dans les sous-bois désenchantés du post-modernisme une espèce rare et sauvage d’hommes « qui reconnaissent aisément la bête en eux » . Refusant l’idéal politique du pragmatisme jovial, ces ignobles créatures s’ingénient à résister à la jouissance et attraper des cancers du poumon.
Voici, une ode, un panégyrique sans concessions, une élégie teintée d’amertume, une fable où le loup gagne, à la gloire de ce monstre méconnu:
le cynico-depressif.
Quand la critique fend fouette et fustige
Quand on prend
Le regard impatient des gens qui s’ennuient vite
Et le rictus méchant d’une âme fainéante
C’est quand le cœur devient une cave suintante
Où pourrissent les rêves, et où plus rien ne chante
Où les mouches bourdonnent et gagnent la bataille
Où ricane une voix qui nous rouille et nous raille
C’est comme un à quoi bon persistant et menteur
Un Jiminy criquet insolent et moqueur
C’est comme du ciment qui prend dans la poitrine
Un parpaing sous la peau, anti-personnelle mine
C’est se rire du drame et pleurer du futile
Blaguer sur l’holocauste, débattre du happy-meal
Regarder TF1 et mépriser son père
Préférer Loana aux médecins sans frontières
C’est préférer le laid au beau galvaudé
Choisir Georges Frêche contre Ariane Massenet
Ne jamais condamner les crypto-intégristes
Mais juger fermement la pratique du fist
C’est broyer du nègre et voir la vie en flou
Chanter l’absurdité des paroles de sardou
De la téléréalité se faire les complices
Défendre les fœtus et aimer la police
Stériles volontés face au monde castrateur
Nos désirs puceaux ne bandent plus nos coeurs
Habiter sans semences un monde en jachère
Lucides et impuissants de nos corps éphémères
Des monstres rabats-joie des lurons sans gaité
Des boute-en-rien râleurs des fascistes du rire
Qui agitent dans le vide des surmois ravagés
Incontinents farceurs saturés de satyres
Des zombies nihilistes que jamais rien n’enchante
Des vieilles filles nymphomanes des sales gosses manqués,
« Nous sommes la légion invincible et patiente
Le sarcasme indolent est notre vérité »
Comment confondre donc ces sinistres jouisseurs ?
leurs clins d’œil maçonniques, leurs quenelles fascistes ?
Sans pour autant tomber dans la fatale erreur
du non moins pathétique piège de l’idéaliste ?
C’est qu’il faut toujours, au cynique rappeler,
que ses haussements d’épaules, si méphistophéliques,
finissent par égaler en valeur eidétique
les cris droits de l’hommistes d’une pute LGBT
Universalise donc cette maxime compliquée :
« Se Rire du zeitgeist mais toujours te garder,
O trésor précieux : falsifiabilité. »
* Auteurs: Gus Lebad et Yougène Coolos.